Démocratie locale et Covid19 : dangers et opportunités

Le Covid19 a touché un certain nombre d’entre nous dans leur chair et dans leur âme. Il nous a atteints psychologiquement à des degrés divers. Il a profondément modifié notre quotidien ainsi que  l’organisation du travail et de la vie sociale. Il a aussi entravé la bonne marche de nos institutions démocratiques, aux niveaux fédéral et régional, sans doute, mais aussi au niveau local.

L’impact du Covid19 et du confinement sur la population (entre autres de Villers-la-Ville) se fera certainement encore sentir durant les semaines et les mois à venir. Nous n’en aurons une idée claire que longtemps après. La démocratie locale n’y fait pas exception. Tentons de dresser un premier tableau des risques et des opportunités.

Trèves politiques et pouvoirs spéciaux

Sur le plan de la parole politique, il est clair que tant au niveau fédéral que local, il y a eu pendant presque deux mois, un grand silence. L’heure n’était pas à la polémique politicienne. Le citoyen n’aurait pas compris. Certes, cela n’a pas empêché certaines polémiques malgré tout, mais dans le champ médiatique, elles se sont déplacées vers les sphères scientifique et médicale dont les représentants ont, à de nombreuses reprises, alerté sur des défaillances et des risques de la politique mise en place, jouant en quelque sorte un rôle de contrôle du pouvoir aux yeux du grand public. 

Aujourd’hui, le déconfinement politique est en marche et, soyons clairs : chacun marche sur des œufs et certains ne se priveront pas d’utiliser cette période délicate pour mettre en cause la légitimité d’une parole divergente.

Le travail politique ne se limitant pas à la parole publique, se pose aussi la question des conditions d’exercice du contrôle démocratique. Pendant ces deux derniers mois, à tous niveaux, ce sont les pouvoirs exécutifs qui ont pris la main. Cela se traduit au niveau communal par l’arrêté du Gouvernement wallon de pouvoirs spéciaux du 18 mars 2020 n°5 relatif à l’exercice des compétences attribuées au conseil communal par l’article L1122-30 du Code de la démocratie locale et de la décentralisation par le collège communal. Autrement dit, durant la période du 19 mars au 3 mai inclus, ce sont les collèges communaux qui ont exercé les compétences du conseil dans les cas où ils pouvaient motiver l’urgence. Les conseils communaux devront quant à eux examiner les décisions prises dans un délai de trois mois mais entre-temps des décisions auront probablement déjà produit des effets, parfois irréversibles, sans que le débat public n’ait pu se tenir préalablement. Il faudra  certainement plusieurs mois pour en mesurer l’impact.

Contrôle démocratique en suspens

Le confinement a fortement limité les déplacements, entravant ainsi le travail des conseillers communaux. La législation wallonne prévoit en effet un droit de regard sur les pièces dont dispose l’administration, mais ce droit de regard n’implique pas une mise à disposition ou une transmission numérique des pièces. En temps de Covid19 et de confinement, le contrôle démocratique n’a donc que peu, voire pas du tout, été exercé sur une série de dossiers d’intérêt communal ne relevant pas directement des attributions du conseil communal ou qui n’en sont pas encore au stade décisionnel. 

Aujourd’hui, nous déconfinons petit à petit, mais les embûches pour nos démocraties locales ne disparaissent pas pour autant. Les collèges ont perdu leurs pouvoirs spéciaux. Les conseils communaux peuvent à nouveau s’organiser. Mais pas forcément comme avant. Le respect de la distanciation sociale ne facilite guère le redémarrage. Certaines salles du conseil ne sont simplement pas adaptées. C’est pourquoi la Région wallonne autorise la tenue des conseils par vidéoconférence jusqu’au 30 septembre. 

Et le citoyen dans tout cela ? 

Ce type de dispositif ne permet de remplacer que partiellement les débats menés habituellement au conseil, mais pose surtout la question de la place des citoyens. Pour permettre de suivre ces conseils virtuels, la Région wallonne recommande de les diffuser en streaming sur le site internet de la commune. Il s’agit là, selon nous, d’un signal intéressant puisque les citoyens pourront suivre les débats du conseil en direct et/ou, éventuellement, les voir à leur meilleure convenance. 

Certaines communes, à l’instar de Court-Saint-Etienne, appliquent déjà cette solution. D’autres communes, comme Rixensart, résolvent la problématique de la distanciation sociale en investissant une salle plus grande comme un complexe sportif. 

À Villers-la-Ville, l’unique conseil depuis le début de la crise s’est tenu le 11 mai. Le dispositif, mis en place en urgence, est pour le moins interpellant. Les conseillers se sont réunis en vidéoconférence, mais les citoyens qui désiraient assister au conseil étaient priés de se rendre dans la salle du conseil, d’où le bourgmestre menait les débats virtuels projetés sur grand écran.

Le message est trouble. La salle du conseil ne serait pas assez sûre pour accueillir les vingt-et-un conseillers, le président du CPAS et la directrice générale, mais bien assez sûre pour les citoyens désirant suivre les débats. L’ambiguïté est manifeste et n’est franchement pas de nature à encourager les citoyens à se rendre sur place pour participer à la démocratie locale.

Service minimum et résilience démocratique

Peu de personnes assistent au conseil habituellement, pourra-t-on rétorquer. Certes, mais ce peu doit-il encore être diminué? Ne doit-on pas saisir l’occasion pour mettre en place des dispositifs qui facilitent et faciliteront encore à l’avenir l’accès au conseil ?

Par ailleurs, comment les communes vont-elles s’organiser, dans ces dispositif virtuels, pour permettre que des interpellations citoyennes puissent se faire ? Cette question peut sembler accessoire, mais depuis le confinement jusqu’à fin septembre, six mois se seront écoulés. Six mois sans que les citoyens ne puissent interpeller politiquement leurs élus. Et nous ne pouvons pas être certains qu’après septembre, la situation sanitaire soit durablement stabilisée pour permettre la reprise d’une vie politique locale normale.

La crise que nous traversons a montré les limites de notre démocratie locale. Nous ne percevons sans doute pas encore l’entièreté de ses effets. Nous pouvons déplorer ce fait, mais il faut aussi reconnaitre que peu d’entre nous avaient imaginé cette situation catastrophique à bien des égards.

Maintenant nous savons. Nous savons que notre démocratie locale trouve ses limites en temps de crise. Nous savons que cela représente un danger en cas de crise durable. Nous savons que certaines méthodes de travail, combinées aux technologies actuelles, permettent d’assurer ce service minimum démocratique dont nous avons tellement besoin. Nous savons qu’il est indispensable de travailler collectivement à rendre nos processus démocratiques plus résilients. Nous savons, agissons !